Bio /
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À Bobo Dioulasso – Burkina Faso –, une femme regarde croître le tas d’ordures devant sa porte, une autre balaie sans fin la poussière des rues… Ces vieilles dames africaines sont des métisses, des orphelines essaimées par la colonisation. Au fil des récits, un incident mineur, une rencontre, ravivent chez elles la douleur sourde avec laquelle elles ont toujours vécu : la négation de leur identité.
En écho, de plus jeunes femmes et des fillettes enjambent la mer et se croisent. Au supermarché de Guignicourt, la petite Salimata, fraîchement débarquée du Burkina, tente de se rendre invisible. À Tounouma, quartier de Bobo, Rachel, venue de France à la recherche de son père, devient sans le savoir la « fille-africaine-minute ».
« Ce n’était pas une enfant bien élevée, car elle traversa la cour sans saluer personne, pas même Jeanne, à qui elle réclama abruptement de l’eau. La vieille femme lui reprocha ses manières mais alla quand même lui remplir une calebasse au robinet. Quand la fille eut fini de boire, elle resta plantée là, laissant brusquement tomber le pagne noué qui lui servait de balluchon. Le paquet chuta sur le sol, manquant d’écraser un poussin qui s’enfuit en pépiant.
– Mes parents m’ont chassée, dit-elle. Parce que j’ai piqué la grossesse avec un touriste. »
Sarah Bouyain dans les douleurs de l’entre-deux
… Le métissage, ses douleurs et ses drames, mais aussi bien d’autres exclusions et déchirements sont, en effet, analysés et transcrits dans ce recueil, à travers la destinée de quelques personnages et leurs itinéraires au cœur même d’une réalité, sinon vécue du moins observée de près par l’auteur. Et il en est ainsi de nombre des personnages de ces six nouvelles qui, tous, ont en commun une brisure, une blessure mal cicatrisée. Les uns reviennent sur les traces d’un passé douloureux, d’autres questionnent les souvenirs comme ils interrogent le hasard ou les interlocuteurs rencontrés. Il y a ceux qui veulent (ou ont voulu) oublier et se sont réfugiés dans quelque détresse tue, et d’autres qui s’en vont affronter crânement leur destin.
Ainsi de maternités mal assumées en immenses élans de tendresses grand-maternelles, de quêtes d’identité en retrouvailles douloureuses, d’étonnements enfantins en certitudes adultes, de mal-être en incompréhension, d’erreurs en errements, toutes ces nouvelles disent le « mal de n’être pas deux » et dénoncent, où qu’elle se cache, l’incommensurable bêtise qui, décidément, ne connaît ni frontières, ni limites dans le temps. Nul doute que ce livre, dette ou revanche, soit le fruit d’une absolue nécessité pour son auteur, tant ses personnages-victimes attirent une évidente sympathie et portent en eux une douleur qu’il doit être bon de partager.
Métisse façon, de Sarah Bouyain. Ed. La Chambre d’échos, 142 p.
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Extrait de Presse
Nouvelles
Bernard Magnier (Chronique livres- RFI- 04 02 2003)